Mini-série - Épisode 2

Comment je peux aider ton enfant sans le rencontrer une seule fois

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Lorianne Lacerte - Icône - Apple podcastÉcouter sur GoogleÉcoutez sur Spotify

Bienvenue au deuxième épisode de ma mini-série sur l’accompagnement parental ! 🤗

Aujourd’hui, je t’explique comment je peux aider ton enfant sans le rencontrer une seule fois. 

Comme mentionné dans l’épisode précédent (si tu ne l’as pas écouté, je t’encourage vivement à le faire !), je ne fais plus de suivis individuels avec des enfants.

Parfois, certains parents me contactent pour que j’aide leur enfant, et quand je leur explique ma méthode d’intervention, ils sont un peu perplexes. Sceptiques, même.

« Tu veux dire que tu ne vas même pas rencontrer mon enfant ? T’es sûre que ça va marcher ? ».

Se poser des questions comme ça, c’est normal. Les parents veulent ce qu’il y a de mieux pour leur enfant, et ils peuvent douter de mon approche non conventionnelle.

Dans cet épisode, je vais donc expliquer comment j’arrive à évaluer le langage d’un enfant sans le rencontrer. Je vais aussi rassurer les parents qui sont incertains que l’accompagnement parental serait utile pour eux.

J’ai longtemps utilisé la méthode classique d’évaluation suivi d’interventions

Quand je rencontrais des enfants à ma clinique privée, je faisais une évaluation classique en orthophonie. Je rencontrais les enfants un par un dans mon bureau pendant environ une heure chacun. Pendant la rencontre, je faisais des activités avec l’enfant pour observer son langage et je posais des questions au parent qui l’accompagnait (pour savoir comment ça se passait à la maison, etc.). Après, je fixais un rendez-vous 2 ou 3 semaines plus tard avec le parent pour la remise du rapport.

En attendant, je rédigeais ledit rapport. C’était un beau gros rapport de 5 ou 6 pages qui expliquait toutes mes observations, les difficultés de l’enfant, et le plan de match pour la suite.

Le jour de ma rencontre avec les parents, je leur expliquais mes observations, ma conclusion orthophonique, et j’essayais (si j’avais le temps) de leur donner quelques conseils pour aider leur enfant.

Si tu avais cherché à avoir mon aide pour ton enfant il y a environ 2 ans, c’est ce qui se serait passé.

Mais ma vision des choses a changé…

Qu’est-ce qui m’a menée vers l’accompagnement parental ?

Je vais te raconter une anecdote que j’ai vécue quand j’étais propriétaire de ma clinique d’orthophonie. 

En fait, si tu suis mes contenus depuis un bout, ça se peut que tu connaisses déjà cette anecdote. J’en parle entre autres dans l’épisode 31 de mon podcast habituel. 

Bref, cette anecdote, c’est LE MOMENT où j’ai décidé que j’allais travailler le plus possible en collaboration avec les parents, donc en accompagnement parental, plutôt qu’en passant par le processus d’évaluation régulier.

Dans cette histoire, il y a trois personnes d’impliquées : la cocotte, la maman et moi. 

La cocotte, elle a 2 ans et demi, et je vais l’appeler Léa.

Sa maman, Mélanie, décide de consulter en orthophonie pour sa fille. Elle appelle donc à la réception de ma clinique, s’inscrit sur la liste d’attente, et attend qu’on la rappelle. Quand on est rendu à son nom sur la liste, on la recontacte, elle prend rendez-vous et on lui envoie un formulaire à remplir pour en savoir plus sur Léa et sur sa vie familiale.

Le jour J, je rencontre Léa et Mélanie dans mon bureau. En discutant avec Mélanie en début de rencontre, je me rends compte qu’elle est inquiète pour sa fille depuis longtemps parce que Léa ne produisait que très peu de mots jusqu’à l’âge de deux ans. 

Tout le monde lui avait dit d’attendre avant de consulter, que Léa était petite et que ce n’était pas grave si elle ne parlait pas beaucoup, qu’il fallait lui laisser du temps pour que son langage débloque, etc.  Malgré ces conseils, Mélanie ne pouvait pas mettre de côté ses inquiétudes. Elle a donc décidé de faire des démarches pour avoir de l’aide pour sa fille. 

Quand Léa avait 2 ans, Mélanie a inscrit sa fille sur la liste d’attente de ma clinique. Il y avait quelques mois d’attente, donc ce n’est que six mois plus tard que j’ai pu les rencontrer.

Ça veut dire que quand Mélanie a fini par arriver à moi, ça faisait environ un an qu’elle était inquiète pour le langage de son enfant. 

J’ai évalué Léa comme j’en avais l’habitude, et lorsque Mélanie est revenue pour que je lui remette le rapport et explique mes observations, je ne semblais rien lui apprendre.

À chaque chose que je disais, elle semblait dire : « oui, je sais, c’est exactement ça ! ». Elle reconnaissait très bien sa fille dans la description que j’en faisais.

L’affaire, c’est que toute cette évaluation, ça a quand même pris du temps. J’ai pris du temps à préparer la rencontre d’évaluation, à rencontrer Léa, à rédiger le rapport, à rencontrer Mélanie pour lui expliquer mes trouvailles… 

C’était un peu trop long pour rien, honnêtement.

Parce que, dans le fond, ce que la maman voulait surtout savoir, c’était comment aider sa fille. Tout le reste, elle le savait pas mal déjà. 

Oui, elle était venue pour confirmer ce qu’elle observait de son côté. Elle était contente que quelqu’un valide enfin ses inquiétudes.

Mais le plus important pour elle, c’était de savoir quoi faire pour aider sa fille. 

Malheureusement, quand j’ai fait ma remise de rapport, après avoir fait le tour des observations, il me restait à peu près juste trente minutes pour expliquer concrètement à Mélanie ce qu’elle pouvait faire pour aider sa fille. 

Trente minutes, ça passe vite.

Donc, j’ai essayé de lui donner le plus d’informations possible pendant cette petite demi-heure. Je lui ai rapidement déboulé plein de stratégies à utiliser au quotidien, plein de connaissances que j’avais à lui transmettre, et Mélanie est repartie avec ça. 

Ce n’était pas possible pour cette famille d’avoir un suivi en orthophonie à ce moment, donc je n’ai plus revu Léa, ni sa maman.

Mais cette rencontre, elle m’est restée en tête. Elle m’a remise en question. J’ai réalisé que tout le travail que j’avais fait en amont du dernier 30 minutes, il ne servait pas à grand-chose, finalement. Oui, il servait à avoir une trace écrite pour voir l’évolution de Léa, mais ce n’était pas vraiment ce que la maman venait chercher. 

C’est donc à partir de ce moment-là que j’ai décidé de travailler en accompagnement parental pour répondre aux questions des parents comme Mélanie, sans devoir faire tout le processus avant. 

Évidemment, ma méthode d’accompagnement parental s’est beaucoup améliorée depuis le temps, mais c’était le début de ce qui deviendrait ma nouvelle approche. 

Les parents veulent apprendre comment stimuler le langage de leur enfant

Aujourd’hui, je fais encore certaines évaluations en suivant le modèle que j’utilisais auparavant (avec quelques petites modifications), mais c’est uniquement pour certains milieux de garde avec qui j’ai une entente.

En fait, je me rends directement dans ces milieux de garde pour évaluer des enfants qui sont en difficulté et qui sont en attente de services ou qui ne peuvent pas nécessairement aller consulter au privé. Je travaille aussi en collaboration avec une intervenante en stimulation du langage, qui soutient le langage de ces enfants dans les milieux de garde suite à mes évaluations. 

Mais ce que je réalise en faisant ces évaluations, c’est que c’est un peu le même principe que quand j’évaluais des enfants dans mon bureau. J’envoie un questionnaire aux parents, je vois l’enfant et après ça, j’ai un appel avec le parent pour lui expliquer les résultats.

Et les parents, quand je les appelle, ils sont un peu comme Mélanie. Je leur explique mes observations, et la plupart du temps, les parents sont comme : « Oui, oui, oui, je vois bien ces difficultés. Oui, en effet, ça représente bien mon enfant. »

Puis, ils me posent des questions. « OK parfait, quelqu’un va aider mon enfant à la garderie. C’est super, on est très content. Qu’est-ce que je peux faire à la maison pour aider mon enfant ? Est-ce que tu as des conseils à me donner, des choses à faire ou à ne pas faire ? ».

On retombe donc dans ce que j’ai réalisé en rencontrant Mélanie. Au final, le parent, il veut bien faire et il veut s’impliquer, mais il se sent un peu démuni. Il pense qu’il n’a pas les compétences ou les connaissances pour aider son enfant et qu’il a besoin d’aide pour le faire. 

L’accompagnement parental me permet d’aider des enfants sans les rencontrer

Alors, est-ce vraiment possible d’aider un enfant sans le rencontrer ?

Comment je fais pour aller chercher l’information dont j’ai besoin pour donner des conseils adaptés et appropriés aux parents ou pour leur donner les outils dont ils ont besoin pour aider leur enfant ?

Étape 1 : J’envoie un questionnaire au parent et je le rencontre

La première chose que je vais faire, c’est envoyer un questionnaire au parent pour recueillir des informations, telles que :

  • Comment s’est passé le développement de l’enfant ?
  • Est-ce que l’enfant a déjà rencontré d’autres professionnels ?
  • Est-ce que certaines mesures ont déjà été mises en place dans la vie de l’enfant pour soutenir son langage ?
  • Quelle est la routine de cette famille ?
  • Est-ce que l’enfant va à la garderie ou il reste à la maison ? 
  • Quel genre d’activités sont faites par la famille ? Est-ce que c’est une famille qui joue à l’extérieur et qui aime faire des sports, ou c’est une famille qui passe plus de temps à faire des jeux et des activités à l’intérieur ?
  • Est-ce que l’enfant a des frères et sœurs ? Si oui, est-ce que les enfants jouent ensemble ? 

Le but, c’est de mieux connaître la famille de l’enfant, et donc de comprendre le contexte dans lequel l’enfant se trouve.

Je veux aussi déterminer à quel point le parent a des connaissances sur les stratégies de stimulation langagière. 

Parfois, je rencontre des parents qui sont super informés, qui lisent plein d’articles sur la stimulation langagière et qui connaissent des stratégies, comme donner le modèle verbal, reformuler, ne pas demander à l’enfant de répéter, etc. 

D’autres parents, de leur côté, ont très peu de connaissances sur la stimulation du langage. 

Toutes ces informations sur la famille et l’enfant, je les accumule par mon questionnaire, mais aussi via une entrevue très complète que je fais avec les parents. En fait, pendant la première rencontre que je fais avec les parents, je leur pose beaucoup de questions.

Tout ça, c’est pour essayer de me mettre dans les souliers des parents et de mieux comprendre leur vie, leurs difficultés, leur réalité. Et ça, ça me permet de les aider à trouver des solutions qui sont réalistes pour leur situation.

Étape 2 : Je demande aux parents de m’envoyer des extraits audios et vidéos du quotidien

L’autre chose que je vais faire, c’est demander aux parents de m’envoyer des extraits audios ou vidéos du quotidien. 

Des extraits vidéos, pour moi, ça a été une grande révélation et c’est très riche (plus riche que les interactions que je peux avoir avec un enfant dans mon bureau !). D’ailleurs, depuis que j’ai découvert ça, j’en demande aussi quand je fais des évaluations dans les garderies.

Pourquoi consulter des extraits vidéo, c’est encore mieux que rencontrer l’enfant dans mon bureau ? La réponse est simple : c’est que ça représente vraiment la vie de tous les jours ! 

Penses-y : qu’est-ce qui est plus fiable et accurate ? L’interaction qu’a un enfant dans un bureau qui lui est non familier, avec une personne qu’il ne connait pas, à une heure où il est peut-être fatigué ? Ou une interaction qu’a un enfant chez lui, dans ses jouets, avec ses parents, sans savoir qu’il est filmé ?

Des fois, je demande juste aux parents d’être dans le salon, de sortir plein de jouets que l’enfant aime, de le laisser les manipuler, de s’asseoir avec lui et de jouer avec lui.

Une autre chose que j’aime observer, c’est un repas en famille. Ça me permet de voir si l’enfant a un grand frère ou une sœur qui parle beaucoup, si l’enfant a de la place pour parler, si tout le monde parle très vite dans la famille, si les membres de la famille posent beaucoup de questions, s’ils suivent les intérêts du coco dans leurs conversations…

Voir des moments typiques du quotidien comme ça, ça me donne une quantité énorme d’informations. J’en apprends beaucoup, tant sur le fonctionnement de la famille que sur les interactions que ses membres ont entre eux (et la place qui est laissée à l’enfant dans tout ça).

Ces informations vont même au-delà du langage, ce qui me permet de travailler des choses simples avec la famille, comme ralentir le débit, laisser des tours de parole, etc. Juste ça, ça peut faire une grosse différence.

Une fois que j’ai identifié un problème potentiel (ex. tout le monde parle vite pendant les repas), j’amène le parent à se questionner pour qu’il essaie de trouver des solutions par lui-même. 

Je vais lui demander, par exemple : « À ton avis, comment est-ce que toi et les autres membres de la famille pourriez laisser plus de place à Louis pour s’exprimer pendant un repas en famille ? Est-ce que tu penses à quelque chose qu’on pourrait mettre en place ? ». Puis, si le parent a des idées, on y va avec ça ! Si le parent ne sait pas trop, je lui partage mes connaissances et mon expérience pour lui suggérer des idées. Par contre, je m’assure toujours de vérifier avec lui si telle ou telle solution est réaliste dans son contexte. C’est donc un travail collaboratif, un travail où on prend des décisions ensemble.

L’accompagnement parental, la version 2.0 du suivi en orthophonie 

Dans certains cas, le parent ne me demande pas nécessairement de faire une évaluation du langage de son enfant. Il me parle de son enfant, et on discute de stratégies qu’il pourrait utiliser pour soutenir son langage. 

Et, dans d’autres cas, je dois faire les deux : outiller le parent + évaluer le langage de l’enfant.

Quand j’évalue le langage de l’enfant, je me pose les questions suivantes :

  • Est-ce que le vocabulaire de l’enfant semble bien développé ? 
  • Est-ce que l’enfant hésite quand il essaie de produire ses mots ? 
  • Est-ce qu’il prononce bien les sons dans les mots ? 
  • Est-ce que les phrases de l’enfant sont courtes ou simples pour son âge ? 
  • Est-ce que l’enfant est capable de raconter quelque chose de façon claire ?

En réalité, ces questions sont les mêmes que je me posais quand j’évaluais un enfant dans mon bureau. Mais, bien sûr, je n’arrive pas à recueillir toutes ces informations avec un seul extrait audio ou vidéo de 15 minutes. Je fais ce genre d’évaluations sur le long terme, avec des clients qui seront suivis avec moi pendant quelques mois.

Au fur et à mesure qu’on avance dans mon programme d’accompagnement parental, on va vérifier certains aspects du langage qui peuvent être plus problématiques. Après, on remet les pièces du casse-tête ensemble pour avoir un portrait global du langage de l’enfant. 

Aussi, si je cherche à évaluer un aspect précis du langage de l’enfant, je peux demander au parent de m’enregistrer d’autres extraits audios ou vidéos de l’enfant en mettant en vedette l’habileté que je veux observer.

Les bienfaits du coaching parental

Bref, tout ça pour dire que OUI, c’est possible d’aider un enfant même quand on ne le voit pas une seule fois en rencontre individuelle !

Je pense qu’il faut changer notre perception de ce qu’est un suivi en orthophonie, ce qui va ouvrir un monde de possibilités à plein de parents et de professionnels.

Le coaching parental, ça permet d’aider des enfants plus rapidement et de limiter les problèmes d’accès aux services. Par exemple, grâce à cette méthode d’intervention, des personnes qui habitent en région éloignée où il n’y a pas de clinique d’orthophonie peuvent avoir accès à de l’aide sans devoir faire des heures de route. 

Et même si on habite près d’une orthophonie, c’est le fun de ne pas avoir à se déplacer quelques fois par mois pour des rendez-vous en orthophonie. 😉

Pour toutes ces raisons (et d’autres), je considère l’accompagnement parental comme la version 2.0 du suivi régulier en orthophonie. 

J’ai hâte de creuser le sujet encore plus dans les prochaines semaines via ma mini-série ! 

Mais, en attendant le prochain épisode, je t’encourage à jeter un coup d’œil à ma page « Services » pour en savoir plus sur l’aide que j’offre aux parents, mais aussi aux éducatrices et aux autres professionnels.

On se retrouve dans quelques jours pour l’épisode 3 !

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