Épisode 75

Le pouvoir des comptines sur l’éveil à l’écrit - avec Pascal Lefebvre

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Lorianne Lacerte - Icône - Apple podcastÉcouter sur GoogleÉcoutez sur Spotify

Crème glacée, limonade sucrée. Dis-moi le nom de ton cavalier. A, B, C…

Les comptines comme celles-ci, ce n’est rien de révolutionnaire. On les récitait quand on était enfant, et maintenant, elles sont probablement classées en quelque part dans le fin fond de ton cerveau d’adulte occupé. 

Mais savais-tu que les comptines peuvent être interactives et enrichies ? Savais-tu qu’elles peuvent soutenir l’apprentissage de la lecture et de l’écriture et être vraiment efficaces pour stimuler le langage ?

Si la réponse est non, tu n’es pas la seule. Honnêtement, je ne le savais pas trop non plus. Du moins, pas avant de suivre la formation de Pascal Lefebvre.

J’ai d’ailleurs tellement aimé cette formation que j’ai invité Pascal à venir me jaser à nouveau sur le podcast. Dans cet épisode, on parle donc du sujet clé de la formation : les comptines interactives enrichies.

Tu verras, c’est super intéressant ! 🤓

Qui est Pascal Lefebvre ?

Pascal Lefebvre est orthophoniste et formateur. Il est impliqué dans l’implantation de pratiques préventives dans des écoles primaires et des milieux de garde éducatifs, et il a mené des travaux de recherche sur la parole, le langage et la littératie chez les enfants, ainsi que sur la prévention des difficultés de lecture et d’écriture.

Pendant plusieurs années, Pascal était professeur universitaire. Il a donc contribué à la formation universitaire de nombreux orthophonistes. 😊

En fait, j’aime tellement le recevoir sur le podcast que c’est la troisième fois qu’il vient me jaser sur L’orthophonie simplement ! Si tu aimerais écouter les deux épisodes précédents, tu peux suivre les liens ci-dessous :

Qu’est-ce qu’une comptine ?

Une comptine, c’est un peu comme du rap, dans le sens où il n’y a pas de mélodie. (En fait, le mot « rap » est un acronyme qui signifie « rhythm and poetry ».)

Les chansons de Passe-partout, par exemple, ont une mélodie. Ce ne sont donc pas des comptines. 

Voici un exemple concret de ce qu’est une comptine :

Am, stram, gram,
Pic et pic et colégram,
Bour et bour et ratatam,
Am, stram, gram.

Cette comptine, on ne la chante pas. On la déclare.

Et comme tu l’as sûrement remarqué, les comptines n’ont pas toujours un sens. 😂

Dans une comptine, l’important c’est plutôt le rythme de la parole, la sonorité et les rimes. 

Les comptines peuvent-elles aider un enfant avec la lecture et l’écriture ?

OUI ! 🙌

Des recherches ont prouvé que les enfants qui jouent de la musique ont tendance à être meilleurs en lecture et en écriture. Mais les comptines sont très efficaces et utiles aussi, même si elles n’ont pas de mélodie !

Le lien entre la musique et les habiletés en lecture et écriture a toujours intrigué Pascal, donc il a entamé un projet de recherche avec Jonathan Bolduc, musicien et chercheur en éducation. 

L’une de leurs découvertes : la musique favorise le développement des fonctions exécutives !

Pour consulter les 2 épisodes que j’ai enregistrés avec Katherine Leclair sur les fonctions exécutives, suis les liens suivants :

L’hypothèse OPERA

Une hypothèse proposée par des chercheurs explique pourquoi la musique est bénéfique pour l’apprentissage de la lecture et de le l’écriture.

Cette hypothèse s’appelle OPERA, et chacune des lettres représente une explication différente ! 

Cool, hein ? 😜

« O » pour « overlap »

Overlap, c’est le mot en anglais pour une superposition.

Nos traitements neurologiques du son, que ce soit de la parole ou de la musique, ce sont les mêmes circuits que ceux qu’on utilise de nos oreilles jusqu’au cerveau.

« P » pour « précision »

La musique, ça demande de la précision.

Tu ne peux pas te tromper d’une note ou d’un temps, sinon tu changes la pièce musicale au complet (et tu peux même la gâcher).

La parole, ça demande moins de précision. Par exemple, si un enfant dit « sapeau » au lieu de « chapeau », tu comprendras quand même ce qu’il voulait dire.

En apprenant la musique, notre système devient très précis, et cette précision s’étend dans plusieurs sphères de notre vie, comme le langage et la parole.

« E » pour « émotion »

Une symphonie de Mozart, un concert de Bon Jovi, un album des Cowboys Fringuants…

Peu importe le style, le nom du groupe ou de l’artiste et même la langue (s’il y a des paroles), la musique a le pouvoir de nous transporter dans un autre monde, de susciter chez nous des émotions que nous ne vivrions peut-être pas autrement.

Et tu sais quoi ? 

C’est prouvé que les émotions positives aident à l’apprentissage. 

« R » pour « répétition »

Apprendre la musique, ça demande de la répétition. Cette capacité de répéter plusieurs fois la même action ou les mêmes paroles peut se transférer à l’apprentissage de la lecture et de l’écriture, et être ainsi bénéfique pour l’enfant.

« A » pour « attention »

L’attention sélective est très travaillée dans la musique, et cette faculté contribue beaucoup au développement de la conscience phonologique aussi. 

Bref, la musique n’apporte pas seulement des bienfaits cognitifs, mais affectifs aussi. Elle a aussi un impact au niveau de la motivation.

En réalité, chaque fois que tu joues une chanson ou que tu l’écoutes, tu t’offres un cadeau et ça te donne envie de recommencer. 😁

Le projet de recherche de Pascal

Le projet de Pascal et Jonathan divisait les enfants en 4 groupes. Le but était de voir dans quelles conditions les enfants profiteraient le mieux des comptines pour développer des habiletés de traitement phonologique et musical, qui sont des habiletés qui soutiennent le développement de l'apprentissage de la lecture et de l'écriture. Voici comment ça se passait, concrètement : 

Le premier groupe

Dans le premier groupe, les enfants ont dû apprendre les comptines et différents aspects de celles-ci ont été travaillés, comme la rythmique, la perception de la hauteur des notes, etc. 

Le deuxième groupe

Le deuxième groupe visait plus le langage. La conscience phonologique était travaillée, par exemple en identifiant des mots qui riment, en trouvant des mots qui commencent par le même son, en identifiant le dernier son dans les mots, etc. 

Le troisième groupe

Le troisième groupe, lui, a combiné les conditions des 2 premiers : la conscience phonologique a été travaillée en même temps que l’apprentissage des comptines et les activités musicales.

Le quatrième groupe

En ce qui concerne le dernier groupe, les enfants ne faisaient qu’écouter les comptines. 

Quels étaient les résultats du projet de recherche ?

Au final, les enfants avec les meilleurs résultats au tâches de traitement phonologique sont ceux du premier et du troisième groupe, donc ceux ont travaillé dans un contexte musical. 🎶

10 conseils pour que les comptines deviennent interactives et enrichies

Voici 10 conseils que tu peux appliquer pour que les comptines que tu répètes avec ton enfant soient interactives et enrichies :

1. Répéter souvent

La répétition favorise les apprentissages, donc n’hésite pas à répéter la comptine souvent. Plus ton enfant écoutera la comptine, mieux il la connaîtra.

2. Taper le rythme ou temps de la comptine.

Pascal mentionne même que si l’enfant a besoin d’un coup de pouce supplémentaire pour se motiver, il pourrait taper sur un chaudron au rythme des paroles de la comptine ! (Peut-être pas la meilleure des idées si tu vis en appart, though. 😅)

3. Ajouter des gestes à la comptine.

Tu peux demander à l’enfant d’inventer des gestes qui vont bien avec les paroles ! 

4. Dessiner la comptine.

Si ton enfant aimer dessiner, il peut prendre un papier et des crayons de couleur et créer une représentation visuelle de la comptine.

5. Dire la comptine à l’unisson. 

C’est le fun pour l’enfant de participer et ça crée un moment rassembleur entre vous deux, un peu comme quand on assiste à un concert et que toute l’assistance se met à accompagner l’artiste !

6. Commencer la comptine et demander à l’enfant de la terminer.

Les enfants apprennent souvent la fin des phrases. Par exemple, si tu chantes « au clair de… », les enfants vont ajouter : « LA LUNE » ! 

7. Dire la comptine de différentes manières.

Pour faire participer l’enfant, tu peux répéter la comptine avec lui en utilisant différentes intonations, différentes vitesses et différentes émotions.

Par exemple, tu peux dire à l’enfant : « maintenant, on va dire la comptine comme si on est fâchés ! » ou « maintenant, on va dire la comptine le plus vite possible ! ».

8. Faire des comptines trouées.

Répéter la comptine en faisant des pauses pour que l’enfant complète le mot manquant, c’est une excellente façon de stimuler la mémoire et l’attention !

9. Écrire la comptine.

Une fois que l’enfant connaît bien la comptine, tu peux l’écrire devant lui et parler des majuscules (pour le titre et les noms propres), des espaces entre les mots, du fait qu’on écrit de gauche à droite, des syllabes, des sons… 

Si l’enfant est plus vieux, tu peux même lui demander son aide pour épeler les mots de la comptine !

10. Créer des comptines avec des mots qui n’existent pas.

Dans leur projet de recherche, Pascal et Jonathan ont inventé une comptine intitulée « Laco Loulou ». La voici :

Laco gentil loup, plein de poils tout partout, petite bouche et sans dentier, tu peux nous prouler. 

« Prouler », c’est un mot inventé.

Avec une comptine comme celle-ci, on peut donc dire à l’enfant que le mot « prouler » n’existe pas, et leur demander d’inventer une définition et de trouver un mot par lequel on pourrait le remplacer.

Par exemple, on pourrait raisonner avec l’enfant que puisque Laco n’a pas de dents, il ne pourrait pas nous manger ! Mais, par contre, il pourrait nous chatouiller ! 😝

Comment aider les enfants d’âge préscolaire à rester attentifs en récitant des comptines 

La réponse de Pascal : « il faut y aller avec ce que les enfants peuvent donner. »

En général, les enfants sont très attentifs aux comptines si on y ajoute l’ajoute l’aspect moteur, que parfois on peut avoir tendance à oublier. On peut rythmer en marchant, en tapant du pied, en tapant sur une casserole… Les enfants vont donc se laisser emporter par l’activité !

Tu peux même travailler la même comptine de manières différentes pendant la semaine ! 

Le premier jour, vous l’apprenez ensemble. Ensuite, vous la chantez en changeant la vitesse. Le lendemain, vous la chantez avec différentes émotions. Après, vous ajoutez des gestes. En dernier, vous inventez une chorégraphie pour la comptine.

Pas plus compliqué que ça ! 😉

À qui s’adressent les formations de Pascal ?

Si tu veux en savoir plus, Pascal offre plusieurs formations chaque année. En général, ses formations s’adressent aux intervenants qui travaillent en petite enfance, comme les orthophonistes, les éducatrices et les enseignants qui s’intéressent à l’éveil de l’écriture et de la lecture. 

Si cette formation te parle et que tu aimerais la suivre, tu peux consulter cette page du site web de l’École d’orthophonie et d’audiologie de l’Université de Montréal.

Le message à retenir

Bref, les comptines interactives enrichies peuvent apporter énormément de bienfaits aux enfants ! 

Même si la technologie et tous les divertissements qu’elle propose nous fait peut-être oublier les comptines, on ne voudrait surtout pas les mettre de côté avec notre enfant. 

Ce qu’on voudrait faire, c’est plutôt de les exploiter ! 🤩

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Les comptines interactives enrichies : qu’est-ce que c’est, et comment s’en servir pour soutenir l’éveil à l’écrit ? | L'orthophonie simplement - épisode 75
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