Mini-série - Épisode 6

Comment créer une alliance parent-orthophoniste et maximiser le progrès de l’enfant

Écoute L'orthophonie simplement sur
Lorianne Lacerte - Icône - Apple podcastÉcouter sur GoogleÉcoutez sur Spotify

Bienvenue au sixième et dernier épisode de ma série sur l’accompagnement parental !

Aujourd’hui, mon épisode s’adresse aux professionnels qui travaillent en collaboration avec des familles. 

Dans cet épisode, tu découvriras 6 choses à mettre en place dans ta pratique pour créer un lien entre toi et les parents. 

Mais, pour commencer, quelle est l’importance de l’alliance parent-orthophoniste ?

Pourquoi créer un lien avec le parent ?

L’une des choses que j’ai remarquées, c’est que plus on crée un bon lien avec le parent, plus ce sera facile pour le parent de rester motivé et impliqué dans le suivi pour son enfant.

Quand on a une bonne relation avec le parent, on élimine aussi le sentiment de culpabilité qu’il pourrait avoir. 

Dans quel sens ?

Eh bien, imagine un parent qui n’a pas eu la chance (ou qui a oublié !) de faire les exercices demandés par l’orthophoniste avec son enfant. Si le parent et l’orthophoniste ont une bonne relation, le parent se sentira plus à l’aise d’avouer que les exercices ne sont peut-être pas adaptés à sa réalité. Ainsi, l’orthophoniste et le parent pourront déterminer une nouvelle façon d’ajouter des stratégies de stimulation langagière dans la routine quotidienne de cette famille.

Un parent qui ne se sent pas coupable = un parent qui est à l’aise avec l’orthophoniste = plus de chances de réussite pour l’enfant. 🤩

Ceci étant dit, voici mes 6 conseils pour t’aider à développer une alliance avec les parents que tu vas rencontrer !

1. Sois un guide pour les parents

Pour adopter une posture de guide pour les parents, tu devras enlever ta casquette d’expert.

Moi-même, c’est quelque chose que j’ai mis du temps à mettre en pratique dans ma pratique (jeu de mots non voulu). 😅

Après avoir terminé mes études et commencé à intervenir en tant qu’orthophoniste, j’avais vraiment la mentalité que l’experte, c’était moi. Quand je rencontrais des parents, je considérais que j’avais les connaissances, les solutions, et les bonnes idées pour aider leur enfant. Je me disais que les parents étaient venus me consulter pour avoir mon avis d’experte, et qu’après mon analyse des habiletés langagières de leur enfant, j’allais leur dire ce qui devait être fait pour soutenir l’enfant.

C’est une façon de penser que je vois encore dans plusieurs domaines professionnels, et je comprends que ce soit la méthode traditionnelle de consulter un expert. On va le voir, il identifie le problème et nous dit quoi faire pour le régler. C’est un automatisme.

Mais, à mon avis, les professionnels qui travaillent avec les familles devraient faire de leur mieux pour tasser cette méthode et adopter une posture de guide à la place.

Une posture de guide… Qu’est-ce que j’entends par là ?

Pour moi, si une orthophoniste se considère plus comme un guide qu’une experte, ça veut dire qu’elle va travailler en partenariat avec les parents et prendre des décisions avec eux. 

L’orthophoniste ne va pas dicter le chemin à suivre. Elle va plutôt avoir une discussion avec les parents pour que tous se mettent d’accord sur les objectifs et les stratégies à mettre en place dans le but de soutenir l’enfant.

Et, n’est-ce pas que c’est logique ? Quand on y pense, on réalise que chaque parti a quelque chose à apporter à l’autre.

De son côté, l’orthophoniste a ses connaissances professionnelles, son expérience avec d’autres enfants, etc. 

Le parent, lui, a ses connaissances sur son enfant, son expérience en tant que parent, etc.

Ensemble, ils forment l’équipe parfaite pour aider l’enfant !

Il n’est pas question de hiérarchie, de dire aux parents quoi faire. On est égaux, et on travaille conjointement.

2. Aie de l’humilité, de l’empathie et une écoute active

Ces qualités, j’en parle de long en large dans la formation que je donne avec Mélissa Farkouh

C’est particulièrement intéressant d’en parler avec Mélissa, parce qu’elle est spécialisée auprès des familles multilingues, qui sont parfois plus vulnérables. Ces familles viennent de milieux culturels et ethniques différents, et ont donc souvent une vision des choses et des valeurs différentes des nôtres.

Avec des familles qui viennent de milieux différents, ça peut être plus difficile de créer un lien de confiance.

Mais ce n’est pas impossible !

D’ailleurs, il y a une grande section dans notre formation qui explique comment avoir une entrevue motivationnelle avec le parent pour mieux le comprendre.

Un conseil à mettre en place tout de suite : lorsque vient le temps de poser des questions aux parents en ce qui concerne l’historique développemental de l’enfant, écoute les réponses attentivement. Donne aux parents ton attention complète, et pose des questions ouvertes. Demande-leur de parler de leur vécu, de leur perception de la communication, des défis qu’ils observent chez leur enfant, etc.

En faisant cela, tu te mettras dans les souliers des parents. Pendant que tu discutes avec les parents, tu oublieras ton propre vécu, et tu te concentreras sur la personne qui se trouve devant toi. Tu seras plus attentive à sa réalité et tu pourras essayer de te mettre à sa place. 

Et ça, ça aura un ÉNORME impact sur la relation que tu auras avec les parents. 🙌

3. Ne dis pas au parent quoi faire ni comment le faire

Être un guide pour les parents que tu rencontres, ça ne veut pas dire que tu dois les traîner par la main et leur dire exactement quoi faire et comment le faire.

Ça veut dire que tu es là pour les parents, pour les aider à choisir le meilleur chemin pour eux et leur enfant.

Est-ce que ça va te sortir de ta zone de confort ? Probablement. Est-ce que ça va te demander des efforts supplémentaires ? C’est sûr.

Cependant, ça vaut la peine de laisser plus de place aux idées et aux opinions des parents. 

Donc, si tu rencontres un parent, au lieu de lui dire quoi faire et comment le faire, essaie de lui poser des questions comme celles-ci :

  • Est-ce que tu as pensé à faire telle chose ?
  • Est-ce que tu connais telle stratégie de stimulation du langage ? 
  • Est-ce que tu essaies d’appliquer cette stratégie ? Si oui, comment ça se passe ?
  • En ce moment, quels défis que vit ton enfant ont le plus d’impact sur lui ?
  • Quand tu constates que ton enfant vit une certaine difficulté, comment réagis-tu ? Est-ce qu’il y a des choses qui peuvent aggraver ou améliorer la situation ?

4. Remplace la rétroaction par la réflexion guidée

Une rétroaction, c’est quoi ? 

C’est le fait de donner notre feedback au parent, de faire un retour sur une situation. 

Je vais te donner un exemple concret.

Comme mentionné plusieurs fois pendant cette mini-série d’épisodes sur l’accompagnement parental, j’utilise des extraits audios et vidéos pour observer les habiletés langagières des enfants ou le style d’interaction du parent.

Maintenant, suppose que dans une vidéo, je vois une maman (Caroline) jouer à la poupée avec sa fille de 3 ans (Aurélie). Caroline regarde sa fille, et elle lui dit : « Qu’est-ce que tu fais ? À quoi on joue, en ce moment ? ». Puis, Aurélie répond : « Poupée ». Caroline répond donc : « Oui, c’est bon. Dis-le comme il le faut : “on joue à la poupée” ». Pour faire plaisir à sa maman, Aurélie essaie de redire la phrase, mais elle se frustre parce qu’elle n’y arrive pas.

Dans cette situation, si je voulais donner une rétroaction à la maman, je lui dirais quelque chose du genre : « Regarde, quand tu as demandé à Aurélie de redire la phrase, ça l’a découragée. Ce serait mieux de donner le modèle verbal à ta fille sans lui demander de le répéter ».

Est-ce que j’aurais tort de donner ce conseil à Caroline ? Non, c’est une bonne suggestion. 

Mais Caroline aurait pu la trouver par elle-même si, au lieu de faire une rétroaction, j’avais guidé sa réflexion.

Par exemple, j’aurais pu lui poser des questions comme :

  • Qu’est-ce que tu observes ici, dans l’extrait ? Qu’est-ce qui s’est passé ?
  • Qu’est-ce qui aurait pu être fait autrement ? 
  • Est-ce que tu penses que tu pourrais réagir d’une autre façon quand ta fille ne fait pas une phrase complète ?
  • Quelle stratégie de stimulation langagière pourrais-tu utiliser dans des situations comme celle-ci ?

En posant des questions comme ça, j’aurais pu amener Caroline à faire ses propres observations et réflexions.

Donc, quand tu veux aider un parent à modifier sa façon d’interagir avec son enfant, laisse-le parler en premier. Demande son avis. Guide la conversation, et sens-toi libre d’ajouter tes commentaires au besoin.

Mais, vraiment, aie le réflexe de transformer ton feedback en questions pour faire raisonner le parent. Tu donneras alors l’occasion au parent de déterminer par lui-même ce qu’il peut faire pour soutenir le langage de son enfant.

5. Considère les préférences du parent

Quand je parle des préférences du parent, je ne pense pas seulement aux préférences en ce qui concerne la fréquence du suivi ou les plages horaires de rendez-vous.

Je vais beaucoup plus loin. 🚀

Par exemple, je demande toujours aux parents s’ils sont à l’aise avec ma façon de fonctionner. Par exemple, est-ce qu’ils acceptent de me partager des extraits audio ou vidéo de leur enfant et de leur famille ? 

Après chaque rencontre, j’envoie un compte rendu aux parents. Est-ce qu’ils préfèrent que je leur envoie un compte rendu écrit ? Est-ce qu’ils aimeraient mieux que je leur envoie une vidéo ? Est-ce qu’ils veulent recevoir le compte rendu par courriel, ou via un autre logiciel ? De mon côté, j’utilise Google Drive, mais si les parents n’ont pas de compte Google, est-ce qu’ils ont une autre suggestion pour moi ?

Ces informations sont super importantes pour moi ! Je veux vraiment m’assurer de prendre en considération les besoins et les habitudes des parents que je rencontre. Tout ça, ça renforce le lien de confiance que je crée avec les parents et ils voient que je me soucie réellement d’eux.

En plus, les parents ne sont pas habitués à ça. Quand on va voir le médecin, il demande très rarement notre avis avant de nous prescrire un médicament… Il va encore moins nous demander comment on aimerait obtenir notre prescription !

Les parents me disent donc souvent : « Ça ne me dérange pas ! C’est comme tu veux ! ». 

Mais, la plupart du temps, il suffit de creuser un peu plus (en offrant quelques choix) pour que le parent m’avoue qu’il a une préférence. Et c’est sûr que ça lui fait plaisir de voir que ses goûts me tiennent à cœur ! 🥰

6. Prends en considération la charge mentale du parent 

Le parent, il n’a pas choisi d’avoir un enfant avec des difficultés langagières. 

Il n’a pas choisi de devoir modifier sa façon d’interagir avec son enfant, de toujours devoir utiliser des stratégies de stimulation langagière pour soutenir le développement de son enfant.

Quand on réalise que le parent ne vient pas vers nous parce que ça lui tente, mais bien parce que c’est une nécessité, on change un peu notre vision des choses.

On se rend compte à quel point le parent doit fournir des efforts pour nous rencontrer, pour se présenter aux rendez-vous (que ce soit en présentiel ou par vidéoconférence), pour intégrer des stratégies de stimulation langagière dans sa vie de tous les jours. Pour ce parent, tout ça, c’est un gros changement. Ça prend de l’adaptation.

On lui demande d’apprendre de nouvelles choses et de les appliquer, et ce n’est pas quelque chose que le parent souhaitait devoir faire quand son enfant est venu au monde. 

Pour certains, c’est un choc.

Quand on rencontre de nouveaux parents, on veut donc se poser des questions comme celles-ci :

  • Est-ce que ce parent a accepté les difficultés de son enfant ?
  • Est-ce que ce parent est en deuil en raison des difficultés de son enfant ?
  • Est-ce que ce parent est conscient des efforts qu’il devra fournir pour soutenir le développement langagier de son enfant ?
  • Est-ce que ce parent est prêt à intégrer des stratégies de stimulation de langage dans sa vie ?
  • Est-ce que ce parent vient tout juste de comprendre que son enfant a de réelles difficultés, et est-ce qu’il a de la misère à l’accepter ?

Pour un parent, avoir la confirmation que ton enfant est en difficulté ou réaliser à quel point ces difficultés auront un impact sur votre vie, ça peut être extrêmement déstabilisant.

En tant que professionnels, nous devons donc prendre en considération la charge émotive et mentale des parents qui viennent à nous. 

Pour ce faire, prends le temps de leur parler. Demande-leur de te dire comment ils vivent les défis de leur enfant, comment ça les affecte, comment ils considèrent la stimulation langagière…

Ainsi, tu pourras t’ajuster aux réponses des parents et leur offrir un accompagnement personnalisé selon leur situation et leurs besoins.

Le message à retenir

En bref, c’est TELLEMENT important de créer une alliance avec le parent quand on travaille en accompagnement parental ! 

On veut travailler en équipe avec les parents, être tous les deux sur le même pied d’égalité, cultiver l’empathie, considérer leur vécu, etc.

Aussi, on veut amener le parent à faire ses propres réflexions, ses propres constats. Au lieu de lui nommer ce qu’on observe, on doit l’aider à l’observer par lui-même, à trouver lui-même des solutions. Et, en tenant compte des préférences du parent, on arrivera à créer une belle relation avec lui.

Souviens-toi de ceci : la qualité de la relation que tu entretiens avec les parents a un impact direct sur la motivation et la persévérance des parents, mais aussi sur le progrès des enfants.

Donc, je te conseille de mettre en application les 6 conseils de cet épisode dès à présent pour connaître tous les bienfaits d’une alliance parent-orthophoniste !

Et, en guise de rappel, si tu souhaites avoir plus d’informations pour savoir comment intégrer l’accompagnement parental dans ta pratique, inscris-toi à la formation que j’offre avec Mélissa Farkouh

Voilà qui conclut les 6 épisodes de ma minisérie sur l’accompagnement parental ! On se retrouve bientôt pour les prochains épisodes de L’orthophonie simplement. 😉

Tu as aimé cet épisode ? 📌 Épingle-le sur Pinterest pour le retrouver facilement !