Épisode 55

Les lois de la productivité - avec Marie-Philippe Rodrigue

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Lorianne Lacerte - Icône - Apple podcastÉcoutez sur Spotify

Tu fais mille et une choses dans ta semaine, mais à la fin de la journée, tu as l’impression d’avoir couru dans tous les sens… sans vraiment avancer ?

Tu n’es pas seul·e. Cette sensation de « pédaler dans le beurre », on la connaît tous·tes à un moment ou un autre. On enchaîne les tâches, les rendez-vous, les courriels, en espérant cocher un maximum de cases. Et pourtant, on termine la journée avec le sentiment de ne pas avoir été vraiment efficace.

Dans cet épisode du podcast Autrement, j’ai eu le plaisir de discuter avec Marie-Philippe Rodrigue, orthophoniste et passionnée de productivité. Ensemble, on a exploré des lois de la productivité que tu appliques sans même t’en rendre compte — et surtout, des pistes concrètes pour reprendre le contrôle de ton temps sans t’imposer des solutions toutes faites.

Ici, on parle de réalité, de cerveau humain, d’énergie fluctuante… et de bienveillance envers soi-même. Prêt·e à mieux comprendre pourquoi tu procrastines, comment structurer tes journées et où tu perds ton énergie ?

On y va !

Qui est Marie-Philippe Rodrigue ?

Orthophoniste de formation, Marie-Philippe est aussi autrice, entrepreneure et formatrice. Passionnée par l’efficacité, elle a longtemps jonglé entre sa pratique clinique, la gestion d’une clinique multidisciplinaire, et le développement de projets.

C’est en cherchant des réponses à ses propres défis qu’elle s’est plongée dans le monde de la productivité. Pas la productivité rigide, basée sur la performance à tout prix. Mais une productivité humaine, réfléchie, qui respecte les cycles, l’énergie, et les vrais besoins des professionnel·les.

Elle est l’autrice du livre Le paradoxe de la poule pas d'tête, dans lequel elle partage les lois, les pièges et les stratégies concrètes pour arrêter de tourner en rond et avancer avec intention.

Aujourd’hui, elle accompagne des professionnel·les de la santé et de la relation d’aide à structurer leur pratique de façon plus efficace… sans sacrifier leur bien-être. Elle est aussi à l’origine de la communauté Les Collègues, un espace d’entraide, d’apprentissage et de réflexions sur la pratique professionnelle.

Ce que veut vraiment dire être productif·ve

Quand on pense à la productivité, on a souvent en tête l’image d’un·e professionnel·le ultra organisé·e, qui coche toutes ses cases, gère mille projets en même temps et garde le sourire.

Mais dans la vraie vie, être productif·ve, ce n’est pas une question de performance. Ce n’est pas remplir chaque minute de ton horaire, ni courir d’une tâche à l’autre sans respirer. Et surtout, ce n’est pas t’épuiser à essayer de tout faire, tout le temps.

Marie-Philippe en parle très bien : elle a longtemps cru qu’il fallait « aider le plus de monde possible » pour être une bonne orthophoniste. Résultat ? Son horaire débordait, mais son impact ne suivait pas. Elle passait ses journées à travailler fort… sans avoir l’impression d’avancer réellement.

C’est là qu’elle a compris une chose essentielle : la productivité, c’est d’abord une question de clarté et de structure.

C’est une manière de penser, de prioriser, et de choisir comment tu veux utiliser ton temps (et ton énergie).

Et bonne nouvelle : ça s’apprend. Tu n’as pas besoin d’être naturellement discipliné·e ou passionné·e par l’organisation pour y arriver. Tu as juste besoin de prendre un peu de recul… et de commencer à regarder ce qui se passe sous la surface.

Les pièges dans lesquels on tombe (encore et encore)

Tu sais que tu as des choses importantes à faire… mais tu te retrouves à vider ta boîte courriel, répondre à un message, faire ta liste d’épicerie mentale, scroller un peu (trop), ou ranger ton bureau avant de commencer.

Tu n’es pas paresseux·se. Et tu n’as pas besoin de plus de volonté. Tu es juste humain·e, avec un cerveau qui fait exactement ce pour quoi il a été programmé : éviter l’inconfort, chercher la gratification immédiate, et économiser de l’énergie.

Le piège des tâches « satisfaisantes »

Tu sais ce que ça fait, répondre à un courriel ou cocher une case ? Ton cerveau reçoit une mini dose de dopamine. Résultat : il t’encourage à refaire ça encore… et encore. Même si ce n’était pas LA tâche prioritaire.

Marie-Philippe donne un exemple concret : tu sais que tu dois rédiger un rapport, mais tu traites des courriels à la place. Pourquoi ? Parce qu’un rapport demande plus de jus de cerveau, et que le bénéfice n’est pas immédiat. Donc, ton cerveau choisit le chemin le plus rapide vers une récompense.

Le piège des outils « magiques »

Une autre erreur fréquente : croire que le bon outil va régler tous tes problèmes. On voit quelqu’un utiliser Notion, Trello, Google Agenda, et on se dit : « C’est ça qu’il me faut. »

Mais même avec les meilleurs outils du monde, si tu ne sais pas ce qui te bloque vraiment — manque de clarté, mauvaise évaluation du temps, surcharge mentale — l’outil devient juste une chose de plus à gérer.

Le piège du « je devrais être capable »

Ce piège-là, il est insidieux. Tu te dis que tu aurais dû avoir terminé, que tu aurais dû mieux t’organiser, que tu aurais dû prévoir… Mais personne ne t’a appris à estimer ton niveau d’énergie ou à reconnaître les vrais cycles de ta concentration.

Être productif·ve, ce n’est pas une affaire de discipline pure. C’est une affaire de conscience et d’ajustements. Et plus tu apprends à repérer ces pièges, plus tu peux t’en sortir vite.

Le piège de penser que c’est juste toi qui n’es pas « assez bon·ne »

Tu termines ta journée fatigué·e, sans te sentir accomplie ou satisfaite. Pourtant, tu n’as pas arrêté une seconde. Et là, une petite voix se met à tourner dans ta tête : « Je devrais être capable de mieux gérer mon temps. Je devrais être capable d’en faire plus. »

Le piège, c’est de croire que c’est juste une question de volonté ou d’organisation personnelle. Mais non. Ce n’est pas un manque de rigueur. C’est un manque de clarté sur les vrais obstacles — comme les lois qui régissent notre productivité, ou notre façon de réagir à l’effort cognitif.

Et une fois qu’on en prend conscience, on peut s’ajuster… sans culpabilité.

Dans la prochaine section, on va voir comment certaines lois (qu’on subit tous·tes sans le savoir) influencent notre façon de travailler… et comment les utiliser à ton avantage.

Comprendre les lois qui gouvernent ta productivité

Ce n’est pas parce que tu veux être efficace que tu y arrives automatiquement. Et ce n’est pas parce que tu es motivé·e que tu es à l’abri des pièges. En fait, il existe des lois — des principes universels — qui influencent ta façon de gérer ton temps, que tu le veuilles ou non.

Marie-Philippe les appelle les « lois de la productivité », et une fois que tu les connais, tu te rends compte que tu les subis probablement déjà… sans le savoir.

Ces lois, ce sont des clés pour mieux observer comment tu fonctionnes, et t’ajuster en conséquence. Voici quelques-unes de ces lois qui reviennent souvent chez les professionnel·les :

La loi de Pareto (80/20)

Cette loi dit que 80 % de tes résultats viennent de 20 % de tes actions. Et l’inverse est aussi vrai : tu peux passer 80 % de ta journée à t’occuper de choses qui ne te donnent que 20 % d’impact réel.

Marie-Philippe donne l’exemple classique d’une journée où tu avais prévu écrire un rapport… et tu termines en ayant juste répondu à des courriels et des demandes spontanées. Ton énergie a été investie ailleurs, sans avancer sur ce qui compte vraiment.

👉 Prendre conscience de ça, c’est commencer à mieux protéger ton temps pour ce qui a le plus de valeur.

La loi de Parkinson

Cette loi dit simplement que plus tu te donnes de temps pour faire une tâche, plus cette tâche prendra du temps.

Tu te bloques une demi-journée pour rédiger un rapport ? Tu vas probablement t’éparpiller.

👉 La clé : découper ton temps en blocs plus courts, avec des tâches précises à accomplir. Par exemple, 8 h à 10 h : rapport de William. 10 h à midi : rapport de Sophia. Même si ce n’est pas terminé, tu avances !

La loi de Hofstadter

Même quand tu planifies bien, ça te prend souvent plus de temps que prévu. C’est normal. La loi de Hofstadter dit que les tâches prennent toujours plus de temps qu’on ne le pense, même quand on sait qu’elles prendront plus de temps qu’on ne le pense.

Ouf. 😂 Je sais, ça sonne complexe.

En bref, ça veut dire qu’on sous-estime souvent les imprévus, notre fatigue, ou le niveau de concentration que la tâche va vraiment exiger.

👉 Marie-Philippe donne un exemple personnel : même dans sa vie de tous les jours, elle croyait avoir le temps de faire une petite tâche avant de partir… jusqu’à ce que ses enfants cherchent leurs mitaines pendant 10 minutes. Le fameux best case scenario, il arrive rarement.

La loi de Newton (ou le pouvoir du mouvement)

Un objet en mouvement reste en mouvement. Et ça s’applique aussi à ton cerveau. Quand tu es dans l’action, il est plus facile de rester dans le flot. Mais pour te mettre en route, il faut souvent un petit coup de pouce pour amorcer le mouvement.

👉 C’est pour ça que commencer par une mini-tâche facile (écrire l’en-tête du rapport, ouvrir le bon fichier, faire la première étape) peut tout changer. Ça réduit l’inertie, crée une dynamique, et t’aide à rester engagé·e dans ce que tu fais.

La procrastination : ce n’est pas juste un manque de volonté

Tu as bloqué du temps pour rédiger un rapport, mais tu ouvres ta boîte courriel à la place. Tu veux lancer un nouveau projet, mais tu passes des heures à « organiser » ton fichier Notion. Tu veux avancer… et pourtant, tu bloques.

Ce n’est pas de la paresse. Ce n’est pas un manque de motivation. Et non, tu n’as pas « un problème avec la discipline ».

C’est de la procrastination. Et une fois que tu comprends ce qui la provoque, tu peux mieux t’outiller pour la contourner.

Marie-Philippe explique que notre cerveau est conçu pour nous protéger de la souffrance. Il préfère les tâches courtes, simples, avec un résultat immédiat. C’est pour ça qu’on traite un courriel avant de faire un rapport. Le courriel est « réglé », et ton cerveau reçoit sa petite dose de satisfaction.

Mais un rapport ? Un projet à long terme ? Il n’offre pas de récompense immédiate. Il est plus abstrait, plus lourd cognitivement. Et ton cerveau résiste.

Une équation pour comprendre ce qui bloque

Marie-Philippe partage une formule simple mais puissante pour comprendre les mécanismes de la procrastination :

Procrastination = (Attentes × Valeur) ÷ (Impulsivité × Délai)

Voici comment la décoder, avec des exemples concrets :

  • Attentes : Est-ce que tu te sens compétent·e pour accomplir la tâche ? Plus tu doutes de tes capacités (ex. : « Et si je me trompe dans mon analyse ? »), plus tu risques de procrastiner.
  • Valeur : Quelle importance cette tâche a pour toi, au fond ? Écrire un rapport, ce n’est pas toujours ce qui nous allume le plus. On aime l’intervention, le contact… mais pas nécessairement la rédaction.
  • Impulsivité : Plus tu es fatigué·e ou facilement distrait·e, plus tu risques de te tourner vers une activité plus agréable, même temporairement (oui, même faire ta liste d’épicerie peut devenir une échappatoire).
  • Délai : Si la tâche est à remettre dans deux semaines, ton cerveau n’y voit pas d’urgence. Il remet à plus tard… jusqu’au moment où ça devient stressant.

👉 Ce que tu peux faire, c’est jouer sur ces facteurs. Raccourcir les délais en te donnant une échéance interne. Fractionner une tâche trop grosse pour qu’elle devienne moins intimidante. Te donner un environnement qui te soutient au lieu de te disperser.

Se planifier de façon réaliste (et humaine)

Tu bloques du temps dans ton horaire, tu écris ce que tu veux accomplir, et pourtant… à la fin de la journée, tu réalises que ce n’est pas fait. Pas parce que tu as procrastiné toute la journée, mais parce que la réalité a été plus chargée, plus floue, plus imprévisible que prévu.

Marie-Philippe le dit franchement : la plupart des professionnel·les planifient leur semaine en mode best case scenario. Pas de retards, pas d’interruptions, pas de fatigue. Mais la vraie vie, c’est loin d’être ça.

Et quand tu oublies de prendre ces variables en compte, tu te retrouves à courir après le temps… et à te sentir constamment en retard sur ta propre planification.

Prendre en compte ton énergie, pas juste ton temps

Un bloc de temps dans ton agenda ne garantit pas que tu auras l’énergie pour accomplir ce que tu y mets. C’est facile d’oublier ça, surtout quand tu veux bien faire. Mais ton cerveau, lui, a ses limites.

Marie-Philippe l’a appris à force d’observation : après 50 minutes de travail intense, son niveau de concentration chute. Et peu importe la tâche — rapport, analyse, rédaction — elle sait qu’au-delà de ce seuil, son cerveau va chercher des distractions.

👉 Respecter ton énergie, c’est te permettre d’être plus efficace, avec moins de résistance.

Estimer le temps… pour vrai

Une autre erreur fréquente : sous-estimer le vrai temps que demande une tâche. Pas en théorie, mais en pratique, dans ton contexte réel.

Marie-Philippe a mesuré ses propres temps de rédaction de rapports. Elle sait maintenant que ça varie entre 50 minutes et 1 h 30, selon le type de cas et selon la qualité des notes prises pendant la rencontre.

👉 Ce n’est pas une question de perfectionnisme, mais de lucidité. Si tu sais qu’un rapport te prend 1 h 15 quand tu t’y mets vraiment, tu peux planifier en conséquence… sans finir ta journée frustré·e d’avoir « mal évalué ton temps ».

Créer de fausses urgences (mais utiles)

Quand il n’y a pas de deadline claire, le risque de repousser devient plus grand. C’est là que l’idée de créer des échéances internes peut vraiment faire une différence.

Marie-Philippe l’applique autant dans ses projets que dans le travail d’équipe : « On s’est donné une semaine d’avance sur tout. Ce n’est pas juste une marge de manœuvre, c’est devenu notre nouveau standard. »

👉 Et ça change tout. Plus besoin de courir après les dates limites. Tu travailles avec un rythme plus humain, plus prévisible… et tu es prêt·e même quand un imprévu survient.

Ce qu’on oublie souvent : la vie, c’est cyclique

Il y a des périodes où tout roule. Où tu as de l’élan, de l’énergie, des idées. Et d’autres moments où tu te sens dépassé·e, où ton horaire explose, où tu pédales juste pour rester à flot.

Et tu sais quoi ? C’est normal.

Marie-Philippe le rappelle avec justesse : on ne peut pas fonctionner en « mode performance » en tout temps. Et pourtant, beaucoup de professionnel·les tombent dans le piège de croire qu’ils·elles doivent être constants·es, peu importe la saison, les obligations ou leur niveau de charge mentale.

Elle partage un exemple bien concret : lors d’une semaine particulièrement chargée, elle s’est retrouvée avec 28 rencontres dans son agenda. Elle ne s’en est pas voulu. Elle a simplement constaté qu’il fallait réajuster .

👉 Le but, ce n’est pas de ne jamais déraper. C’est de développer la capacité de te rattraper rapidement quand tu sens que tu t’éloignes de ce qui te fait du bien.

Connaître ton propre rythme annuel

On a souvent l’illusion qu’en sortant des études, les fameuses « rushs de mi-session et de fin de session » vont disparaître. Mais dans la réalité, il y a toujours des cycles.

Marie-Philippe connaît les siens. Elle sait que l’été est plus calme, propice à l’organisation. Elle sait que certaines périodes de l’année sont plus remplies, moins idéales pour lancer de nouveaux projets. Et elle planifie en fonction de ça.

👉 Et si tu prenais un moment pour identifier tes propres cycles ?

Quand es-tu plus créatif·ve ? Quand es-tu plus dans l’exécution ? Quand as-tu besoin de ralentir ?

Te connaître, c’est une stratégie de productivité en soi.

Ce qu’il faut retenir : avancer avec clarté et bienveillance

Tu n’as pas besoin de t’acharner à « mieux t’organiser ». Tu as besoin de mieux te comprendre.

Quand tu sais ce qui t’épuise, ce qui te ralentit, ce qui t’aide à entrer en action, tu peux bâtir un système qui respecte ton rythme et ton cerveau.

Les lois de la productivité, la procrastination, les cycles d’énergie… tout ça n’est pas là pour te faire sentir inadéquat·e. C’est là pour t’outiller à faire des choix plus alignés. Et avancer, un pas à la fois, sans te juger. 🙌🥹

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